5. Brumes opaques
Flashes d’appareils photo. Micros tendus.
Au procès relayé par tous les médias, Yves Kramer parla peu. Il reconnut devant la juge tous ses torts. Il marmonna des excuses en direction de sa principale accusatrice.
Il fut condamné à la peine maximum. Il devrait toute sa vie payer une pension à la jeune championne désormais infirme. Il écopait en plus d’une peine de prison avec sursis pour blessure involontaire. De même que lui fut définitivement retiré le permis de conduire une voiture, une moto, ou un scooter. Il n’avait légalement le droit d’utiliser que des vélos, et encore la juge s’autorisa-t-elle à lui conseiller, vu son degré d’étourderie, de ne circuler que sur les chemins de campagne.
« Quand on ne sait pas regarder où l’on va, on reste chez soi sinon on est un danger pour les autres », conclut la magistrate en frappant du maillet pour faire taire la salle.
Le procès achevé, l’ingénieur rejoignit la jeune navigatrice à la sortie du tribunal pour lui exprimer de près ses plus sincères excuses, bafouiller des regrets et des vœux de prompt rétablissement. Elle ne le laissa pas terminer sa phrase, dès qu’il fut suffisamment proche elle prit son élan et de ses deux poings réunis pour faire masse le cueillit à la pointe du menton. À peine eut-il chuté en arrière qu’elle bondit de sa chaise roulante et se jeta sur sa gorge les doigts en crochets et la bave aux lèvres.
L’ingénieur ne tenta pas de se défendre, il se contenta de fermer les yeux, attendant, résigné, que la vie le quitte. Il fallut trois personnes pour faire lâcher prise à la navigatrice infirme qui avant de s’éloigner lui cracha dessus.